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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

faite pour la vérité et pour le respect, et de ne rien mettre au monde au-dessus d’elle-même, privilége qui n’appartient qu’à elle, ni au-dessus de la loi. Ainsi, la droite raison s’accorde sur tous les points avec la raison de justice[1].

II

Tu tiendrais bien peu de compte d’un chant délicieux, d’une danse élégante, ou de tous les exercices du pancrace, si tu décomposais cette voix harmonieuse[2] en chacun des sons successifs qu’elle a produits ; et si, à chacun d’eux pris isolément, tu te demandais s’ils te charment encore ;

    naires et les plus essentielles du Stoïcisme, qui a donné à la charité ce solide fondement. Tous les hommes sont membres d’une même famille et d’une même cité ; ils sont tous frères, et ils doivent s’aimer à ce titre.

  1. La raison de justice. Cette expression est obscure. — Bossuet, au début de son admirable Traité de la connaissance de Dieu et de soi-même, a dit : « L’âme est ce qui nous fait penser, entendre, sentir, raisonner, vouloir, choisir une chose plutôt qu’une autre, comme de se mouvoir à droite plutôt qu’à gauche… Toutes les facultés ne sont au fond que la même âme, qui reçoit divers noms à cause de ses différentes opérations. » Voir aussi la fin du ch. II du même Traité.
  2. Si tu décomposais cette voix harmonieuse. Cette observation est très-vraie ; et, même dans la plus ravissante mélodie, chaque son pris à part ne signifie rien ; c’est par la succession et la diversité que se forme l’ensemble qui charme notre oreille. C’est comme un fil qui, à lui seul, quelque régulier