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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

vers entier et à la condition particulière de l’homme ?

VI

Le premier objet que la tragédie se soit proposé[1], en nous mettant sous les yeux les événements de la vie, ce fut de nous rappeler que ces événements sont bien en effet dans la nature tels que la scène nous les montre, et que ce qui nous charme au théâtre ne doit pas nous accabler sur une scène plus grande[2]. C’est qu’en réalité les choses doivent nécessairement se passer ainsi ; et que ceux-là même les subissent comme les autres qui s’écrient le plus fort : « Hélas ! Cithéron[3] ! ô Cithéron ! » Les poëtes tragiques ont parfois des sentences bien justes, celle-ci, par exemple :

  1. Le premier objet que la tragédie se soit proposé. Il est probable que le plaisir plutôt qu’une leçon de morale a été le premier objet de la tragédie. Mais il est vrai aussi que la leçon de morale ne tarda pas à être tirée de la représentation scénique ; et les auditeurs charmés par le génie du poëte firent aisément un retour sur eux-mêmes.
  2. Sur une scène plus grande. La vie, en effet, ressemble à un drame, quelquefois tragique, quelquefois comique, mais toujours sérieux, quand on comprend les choses dans leur réalité, et la nature humaine dans sa grandeur, comme l’a fait le Stoïcisme.
  3. Hélas ! Cithéron ! Voir Œdipe-Roi, de Sophocle, vers 1391, édition de Fir-