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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

part, à demeurer tranquille et bienveillant à l’égard de tout le monde, fort disposé, avec celui-là même qui me hait ou me méprise, à lui faire voir son erreur, non pas en l’injuriant, non pas même en lui faisant sentir que je le supporte, mais avec pleine franchise et pour lui être utile, comme le faisait cet excellent Phocion[1], si toutefois Phocion n’y mettait pas quelque malice. C’est le fond de notre cœur qui doit être dans cette disposition intime, afin qu’aux regards des Dieux l’homme ne montre, ni indignation, ni souffrance. Quel mal, en effet, peut-il y avoir jamais pour toi[2], quand tu fais toi-même actuellement ce qui convient à ta propre nature, et que tu accueilles avec gratitude ce que la nature universelle trouve opportun de t’envoyer actuellement, homme mis au poste qu’il occupe[3] pour servir toujours l’intérêt de la communauté ?

    plus haut des réflexions analogues, liv. V, § 25 ; liv. IX, § 27, et aussi liv. X, § 32.

  1. Cet excellent Phocion. Ceci se rapporte sans doute au mot de Phocion sur le fils de Chabrias, qu’il avait sous ses ordres : « Quelle preuve d’amitié je te donne, ô Chabrias, en supportant toutes les impertinences de ton fils ! » Voir Plutarque, Vie de Phocion, ch. VII, pag. 888, édition Firmin-Didot.
  2. Quel mal en effet peut-il y avoir jamais pour toi. Un des principaux préceptes du Stoïcisme, profondément vrai, mais trop exclusivement raisonnable pour que l’application en soit bien ordinaire.
  3. Mis au poste qu’il occupe. Voir la même pensée plus développée, liv. IV, § 23.