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LIVRE XI, § XVI.

l’idée que nous devons nous en faire, pas un seul qui arrive jusqu’à nous, mais qu’ils demeurent immobiles, et que c’est nous seuls qui produisons les jugements que nous en portons, qui gravons, en quelque sorte, ces jugements en notre esprit, tout en ayant le pouvoir de ne pas les y graver, et qui pouvons aussi les effacer sur-le-champ, si nous reconnaissons que ces jugements se sont, à notre insu, glissés en notre âme. Enfin l’âme doit se dire que cette attention qu’elle a à prendre exige bien peu de temps[1], et que le reste de la vie sera tranquille. Et, d’ailleurs, qu’y a-t-il donc de si pénible dans cette surveillance de soi ? Si les objets qui se présentent sont conformes à la loi de la nature, jouis-en, et qu’ils te soient légers et faciles. S’ils sont contre la nature, recherche ce qui est pour toi conforme à ta nature propre, et sache t’y attacher, quelque singulier que cela puisse paraître[2]. On est toujours excusa-

    poser l’idée que nous devons nous en faire. Voir un peu plus haut la même pensée, § 11.

  1. Exige bien peu de temps. On peut donner à ce passage un autre sens, et comprendre que cette surveillance, après tout, doit peu durer, puisque la vie elle-même est si courte.
  2. Quelque singulier que cela puisse paraître. Marc-Aurèle a cent fois recommandé cette fermeté d’âme qui vous permet de vous élever au-dessus de l’opinion, et même de la braver, s’il le faut. C’est un des préceptes principaux du Stoïcisme, et certainement un des plus utiles. Socrate,