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PENSÉES DE MARC-AURÈLE.

Si c’est une Providence, qui permet qu’on la fléchisse[1], rends-toi digne de recevoir l’appui de la divinité. Si c’est une confusion sans aucun maître qui la dirige, prends-en bravement ton parti, puisque toi du moins, dans cette affreuse tourmente, tu as le bonheur de porter en toi une intelligence[2] qui peut te diriger. Si le flot t’emporte, qu’il emporte donc cette chair dont ton corps est formé, ce souffle qui t’anime, et tout le reste également ; mais, quant à ton intelligence, il ne l’emportera pas[3].

XV

Eh quoi ! la lumière de la lampe resplendit et ne cesse point de briller jusqu’au moment où elle s’éteint ; et la vérité, la justice, la sagesse[4], qui sont en toi, s’éteindraient avant toi-même !

    la négation de l’intelligence dans le monde.

  1. Qui permet qu’on la fléchisse. Les sacrifices des anciens impliquaient essentiellement cette croyance.
  2. De porter en toi une intelligence. C’est un fait que nous atteste irrécusablement la conscience, mais que quelques doctrines se sont obstinées à méconnaître.
  3. Il ne l’emportera pas. C’est le même sentiment de stoïcisme inébranlable qui a inspiré les fameux vers d’Horace : « Si fractus illabatur orbis Impavidum ferient ruinæ ». Voir plus haut, dans ce livre, la fin du § 3.
  4. La vérité, la justice, la sagesse. Qui sont les lumières de la raison humaine.