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LIVRE II


I

Le matin, dès qu’on s’éveille, il faut se prémunir[1] pour la journée en se disant : « Je pourrai

  1. Il faut se prémunir. Cette admonition intime peut être bonne pour un homme public, qui doit avoir affaire dans la journée à une multitude de clients ; elle est moins utile dans une condition privée. Mais les conseils de charité et de tolérance qui terminent ce paragraphe peuvent servir à tout le monde ; et il n’est pas un de nous qui n’en puisse profiter aussi bien qu’un empereur. Dans le Sermon sur la Montagne, le Christ fait des recommandations analogues, sans en donner des motifs aussi profonds. Saint Matthieu, ch. v, verset 22 : « Mais moi, je vous dis que quiconque se mettra en colère contre son frère, sans cause, méritera d’être condamné par le jugement. » Sous une autre forme, la philosophie stoïcienne de Marc-Aurèle exprime la même pensée et les mêmes conseils. Sénèque, avant Marc-Aurèle, avait dit : « Le sage ne sort jamais de chez lui sans se dire : Je rencontrerai beaucoup d’ivrognes, beaucoup de débauchés, beaucoup d’ingrats, beaucoup d’avares, beaucoup de gens agités par les furies de l’ambition…… Il les regardera tous avec la même bienveillance que le médecin regarde ses malades. » De la Colère, liv. II, ch. x. — Bossuet a dit : « Un homme ne peut être étranger à un homme ; et si nous n’avions perverti les inclinations naturelles, il nous serait aisé de sentir que nous nous touchons de bien près. Devant Dieu, il n’y a ni Barbare, ni Grec, ni Romain, ni Scythe. Nous avons tous une même cité dans le ciel et une même société dans la nature. » Sermon sur la Réconciliation.