Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Barthélemy-Saint-Hilaire.djvu/75

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
53
LIVRE III, § II.

une saveur toute particulière. De même encore, les épis penchant vers le sol, le fier sourcil du lion, l’écume ruisselant de la gueule des sangliers, et tant d’autres choses qui, si on les regarde en soi, sont fort loin d’être belles, contribuent néanmoins à donner aux êtres un nouveau charme qui nous ravit. Concluons donc[1] que, si quelqu’un avait la passion d’étudier les phénomènes de l’univers, et les comprenait plus profondément qu’on ne le fait d’ordinaire, il ne trouverait pas une seule chose, pour ainsi dire, qui n’offrît un agrément spécial dans ses rapports avec l’ensemble, même parmi les phénomènes qui ne sont que des conséquences tout à fait secondaires. S’il considérait à ce point de vue les bêtes les plus féroces, ouvrant leurs gueules toutes béantes, il ne s’y plairait pas moins qu’à ces imitations sorties de la main des peintres et des sculpteurs. Ses regards intelligents ne manqueraient pas de découvrir dans les traits d’une vieille femme ou d’un vieillard[2] une grâce

    complètes.

  1. Concluons donc. Idée profonde, qui est en parfait accord avec le système de l’optimisme.
  2. Les traits d’une vieille femme ou d’un vieillard. Ceci est très-vrai pour quelques physionomies, que le regard de l’observateur bienveillant rajeunit très-aisément, parce qu’elles sont restées jeunes et char-