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LIVRE III, § VI.

maîtrise toutes les perceptions et qui doit t’arracher à toutes les séductions des sens, comme le dit Socrate[1], qui obéit docilement aux Dieux et qui se dévoue à l’intérêt des humains ; si auprès de lui tout le reste devient à tes regards petit et mesquin, ne laisse plus de place en ton cœur à nul autre objet qui, en t’attirant et en te faisant dévier, t’enlèverait désormais la force de préférer invariablement à tout le reste ce bien, qui est le bien propre de l’homme et qui n’appartient qu’à toi. En face de ce bien, qui est la règle de l’intelligence et de l’activité, il n’est pas permis de rien mettre en balance de tout ce qui est d’une autre espèce que lui, ni les louanges de la foule[2], ni le pouvoir, ni les jouissances du plaisir. Tous ces prétendus biens, pour peu qu’ils semblent à peu près d’accord avec celui-là, nous ont bien vite dominés et nous font dévier malgré nous. Prends donc uniquement, te dis-je, et avec pleine liberté, le bien qui vaut le mieux. Diras-tu : Ce bien suprême, c’est l’utile ? Oui,

    personne humaine.

  1. Comme le dit Socrate. Je ne saurais dire où se trouvent précisément des expressions semblables dans les dialogues de Platon ; mais la pensée s’y rencontre sans cesse ; et c’est elle qui fonde le spiritualisme platonicien.
  2. Ni les louanges de la foule… Fortes maximes d’une application bien