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PENSÉES DE MARC-AURÈLE

le mettant constamment en garde contre une façon de s’exprimer trop majestueuse et trop oratoire. Il pensait, d’ailleurs, que la fidélité ou la complaisance du traducteur a ses limites, que lui impose le génie même de sa langue ; et, pas plus que l’honnête Pierron, il ne s’est soucié de « reproduire l’attitude extérieure, l’allure même et la marche » de son auteur avec une si « docile gaucherie[1] » qu’il dût traiter dans son langage les infinitifs en substantifs, le verbe « être » en parasite, et risquer de donner dans sa traduction l’hellénisme le plus usuel et le plus simple[2] pour un effet de style. Lorsque, pour ainsi dire à sa demande, on a modifié la traduction de certains passages dont le sens d’ailleurs n’était pas douteux, on s’est efforcé de donner à la rédaction nouvelle les qualités de simplicité et d’aisance qu’il avait reconnues dans le grec de Marc-Aurèle et voulait conserver dans son français. Il est arrivé, d’ailleurs, que, désespérant de faire mieux que lui, même lorsqu’il se condamne, on conservât le passage condamné. En revanche, on n’a pas hésité à faire des corrections qu’il ne demandait pas, mais qui semblaient nécessaires, lorsqu’on a cru rencontrer un texte, ou un sens, ou un tour plus satisfaisant que le sien. On les a faites avec discrétion et sans vanité, en considérant que M. Couat n’avait pu ni terminer son œuvre ni la revoir, et en se donnant toujours les raisons qui l’eussent pu convaincre. On a surtout cherché à mettre la traduction d’accord avec elle-même, et à la faire profiter des travaux plus récents.

Le livre se présentera muni de notes nombreuses, et souvent fort étendues, dont la minorité appartiennent à M. Couat. Soit qu’elles défendent son interprétation, soit qu’elles justifient l’intervention de l’éditeur[3], elles ajoutent à l’ouvrage lui-même un commentaire continu et aussi long que lui. Elles discutent ou tentent de préciser le texte, le sens des termes techniques, parfois la doctrine. Elles affirment, à chaque page, l’intention dans laquelle M. Couat avait entrepris son œuvre : ce travail ne sera sans doute pas la traduction critique qu’il avait rêvé de faire ; mais ce sera, comme il l’a voulu, une traduction critique.

  1. Michaut, Les Pensées, traduction (Fontemoing, 1901), p. viii.
  2. Comparez chez M. Michaut et chez Pierron ou Aug. Couat la traduction des pensées I, 3, 16 et 17 ; VI, 6 ; VIII, 26, etc.
  3. En dessous du texte qui donnera la correction ou le choix de l’éditeur, on trouvera dans les notes la leçon de M. Couat entre guillemets et précédée du mot : Couat ; les variantes également entre guillemets et annoncées par l’abréviation : Var. ― Les notes de l’éditeur ont été encadrées dans des crochets droits ([ ]), qui permettront de les distinguer aisément de celles de M. Couat. Les mêmes signes n’ont été introduits dans le corps du texte que pour indiquer les additions au manuscrit, et à défaut d’une note correspondante. ― Nous avons conservé de loin en loin dans le texte un point d’interrogation entre parenthèses, par lequel M. Couat indiquait qu’il était peu satisfait de sa traduction ou de la leçon traduite, et qui, imprimé, signifiera, en outre, qu’on n’a pas cherché ou qu’on n’a pas trouvé la correction désirée.

    Sauf indication spéciale, le texte traduit est celui de la seconde édition de M. Stich (Teubner, 1903).