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BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

existent. Il suffit de se rappeler que tout est réglé par des lois[1].

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Sur la mort. S’il n’y a que des atomes[2], elle n’est qu’une dispersion ; si le monde est un tout[3], elle n’est qu’extinction ou déplacement[4].

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Sur la douleur. Si elle est intolérable, elle nous emporte ; si elle dure, c’est qu’elle est supportable ; la pensée peut, d’ailleurs, en s’isolant[5], assurer sa tranquillité, et le principe dirigeant demeure intact. C’est aux parties maltraitées par la douleur de dire, si elles le peuvent[6], ce qu’elles ont à dire.

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Sur la gloire. Vois leurs[7] pensées ; vois ce qu’elles fuient et ce qu’elles poursuivent. Vois aussi comment les couches

    l’avons fait, ἕτι δὲ καί, ou ἕνιοι δέ, il ne reste plus que μόνα τὰ στοιχεῖα. Mais ces mots peuvent être conservés et l’on arrive au sens que j’ai donné : « on dit aussi que les éléments seuls existent. » Cette affirmation contredit la précédente ; elle n’est donc pas du même auteur, et c’est pour cela que j’ai écrit les mots « on dit », qui interprètent le texte. Nous nous trouvons ainsi en présence d’une idée fréquente dans Marc-Aurèle. Il répète plusieurs fois qu’il y a, pour expliquer le monde, deux hypothèses possibles : Dieu, c’est-à-dire la raison universelle, ou les atomes ; l’ordre ou le hasard. Dans les deux hypothèses, le sage doit être tranquille ; mais la plus vraisemblable des deux est la première. Marc-Aurèle dirait donc, en somme, dans le passage qui nous occupe : « L’un prétend que tout est réglé par des lois, l’autre qu’il n’y a que des éléments. Il suffit, pour la conduite de la vie, de se rappeler la première de ces affirmations. » Ainsi le texte peut s’expliquer aisément, si, en touchant à peine au texte donné par les manuscrits, on sous-entend φασὶν ou φησὶν dans la seconde proposition.

  1. Ἤδη λίαν ὀλίγα. J’ai supprimé dans ma traduction ces trois mots par lesquels se termine la pensée ; je n’ai pu arriver à leur trouver aucun sens satisfaisant. — [On pourrait les entendre, à la rigueur, en donnant à λίαν un sens qu’il a assez souvent dans les Pensées (X, 7, dernière phrase ; VII, 67, seconde phrase ; VII, 24, première phrase), non celui de « trop », mais celui de « tout à fait ». « Je pense, aurait dit Marc-Aurèle, que ces préceptes sont assez peu nombreux ; » en d’autres termes : « Est-ce trop te demander ? » — Avec M. Stich, je considère comme une glose cette phrase pénible et dépourvue d’intérêt ; c’est pourquoi je ne l’ai point admise dans la traduction.]
  2. [Var. : « Si nous sommes faits d’atomes… ; » — plus loin : « si nous sommes un tout. »]
  3. J’ai suivi la correction nécessaire indiquée par Casaubon : εἰ δ´ ἔνωσις, au lieu de ἢ ἔνωσις. Il est facile de voir, d’après la construction de la phrase, comment le copiste a été conduit [l’iotacisme aidant] à écrire , au lieu de εἰ.
  4. [Cf. supra IV, 21, 1re et dernière notes.]
  5. [On peut, ce me semble, admettre cette traduction de κατ´ ἀπόληψιν. Mais j’aimerais mieux, pour ma part, lire κατ´ ἀνάληψιν, qui serait beaucoup plus clair. — Rapprocher de cette phrase le début de l’article IV, 3, et tout l’article VII, 28.]
  6. [Cf. VII, 16, 3e note.]
  7. [Sur ce mot « leurs » (en grec αὐτῶν), cf. IV, 16 ; IV, 38 ; VI, 6, et les notes.]