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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/156

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BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

Tu ne blâmeras plus les erreurs involontaires[1] et tu n’auras plus besoin de leur témoignage, quand tu auras été jusqu’à la source de leurs opinions et de leurs tendances.

63

C’est malgré elle, dit le philosophe[2], qu’une âme, quelle qu’elle soit, est privée de la vérité. Il en est donc de même de la justice, de la tempérance, de la bienveillance et de toute vertu semblable. Il est tout à fait nécessaire de ne jamais l’oublier ; tu seras alors plus doux pour tout le monde.

64

À propos de toute douleur, rappelle-toi qu’elle n’a rien de honteux, et qu’elle n’altère pas ton intelligence, à qui tu obéis. Elle ne lui porte, en effet, aucune atteinte en tant que raisonnable[3] et sociable. Dans la plupart de tes douleurs, appelle aussi à ton aide cette maxime d’Épicure, qu’aucune souffrance n’est ni insupportable ni éternelle, pour peu que l’on réfléchisse à ses limites, et qu’on n’y ajoute pas par l’opinion qu’on s’en fait[4]. Souviens-toi encore que beaucoup de nos sensations, de même nature que la douleur, nous tourmentent sans qu’on s’en aperçoive, par exemple l’envie de dormir, l’extrême chaleur, le manque d’appétit. Lorsque tu es gêné par quelqu’une de ces incommodités, dis-toi donc à toi-même : je m’abandonne à la douleur.

  1. [Involontaires, parce que « nul n’est méchant volontairement ». Cf. supra, p. 48, note 2 ; cf. surtout la pensée suivante.]
  2. [Platon, dans Épictète, Dissert., II, 22.]
  3. ὐλικὴ a été remplacé par λογική. Cette correction, proposée par Casaubon, est certaine : λογικὴ est ici, comme en bien d’autres cas, rapproché de κοινωνική).

    [Malgré le matérialisme absolu des Stoïciens, ὐλική, qualifiant la raison, ne me semble, en effet, pas défendable, surtout chez Marc-Aurèle (cf. IV, 4, et XI, 20, notes finales). Ὕλη lui-même ne s’emploie, au moins chez lui, que par opposition à αἰτία ou à l’idée d’αἰτία ; quand un Stoïcien veut parler de la « matière » du « principe efficient », c’est οὐσία qu’il écrit ; ainsi Chrysippe, définissant la « raison séminale » πνεῦμα κα´ οὐσίαν (supra IV, 14, dernière note). Nous avons dit et répété qu’ὕλη) et οὐσία — « matière » et « substance » — étaient synonymes dans l’école ; peut-être conviendrait-il maintenant d’observer qu’il y avait pourtant des cas où l’on admettait οὐσία, et où ὕλη ne pouvait passer.]

  4. [Couat : « par l’imagination. » — Cf. les derniers mots de la pensée V, 26.]