Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/16

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avec dureté ceux qui laissaient échapper un barbarisme, un solécisme, un son vicieux ; il se bornait à leur montrer habilement ce qu’il fallait dire, en ayant l’air de répondre, [de confirmer, ] de discuter non sur le mot lui-même, mais sur l’objet en question, ou par toute autre adroite suggestion.

11

Fronton m’a appris tout ce que la tyrannie a de méchanceté, de duplicité et d’hypocrisie ; et combien peu de cœur, en somme, ont ces gens que nous appelons patriciens.

12

Alexandre le Platonicien m’a appris à ne pas dire souvent et sans nécessité, et à ne pas écrire dans une lettre : « Je n’ai pas le temps, » afin d’écarter sans cesse par ce moyen, et en alléguant des affaires pressantes, tous les devoirs que m’imposent mes relations vis-à-vis de ceux qui vivent autour de moi.

13

Je tiens de Catulus que, loin de dédaigner les reproches de ses amis, même mal fondés, il faut en faire son profit et reprendre l’ancienne intimité ; qu’il faut dire volontiers du bien de ses maîtres, comme le faisaient, dit-on, Domitius et Athénodote, et aimer ses enfants d’un amour sincère.

14

De mon frère Sévérus j’ai appris l’amour de mes proches, l’amour de la vérité, l’amour de la justice ; par lui j’ai connu Thraséas, Helvidius, Caton, Dion, Brutus ; j’ai eu l’idée d’un gouvernement fondé sur la loi et sur l’égalité des droits de tous les citoyens, d’une royauté respectueuse avant tout de la liberté des sujets ; par lui encore j’ai appris comment on honore sans défaillance et toujours avec la même ardeur la philosophie, comment on est toujours généreux, libéral, plein d’espérance, confiant dans l’affection de ses amis, franc à l’égard de tous ceux à qui l’on a à faire des reproches, sans que nos amis aient à se demander : « Que veut-il ? que ne veut-il pas ? » mais de manière à le leur faire voir clairement.