Maximus m’a montré comment on est maître de soi-même, sans que rien puisse nous faire changer ; il m’a enseigné la fermeté dans toutes les circonstances pénibles et particulièrement dans les maladies ; la modération, la douceur et la dignité du caractère, la bonne humeur dans l’accomplissement du travail de chaque jour. Tout le monde était persuadé que sa parole exprimait toujours sa pensée, et que ce qu’il faisait était bien fait ; il ne s’étonnait de rien, [ne se troublait pas], n’avait jamais ni précipitation, ni indolence, ni embarras ; il ne se laissait pas abattre, ne montrait pas un visage tour à tour jovial[1], ou irrité et défiant ; il était bienfaisant, pitoyable et sincère ; on voyait en lui une droiture naturelle et non apprise[2]. Jamais personne n’aurait craint d’être méprisé par lui ni n’aurait osé se supposer supérieur à lui ; il avait, enfin, de l’enjouement et de la grâce.
Voici les vertus dont mon père[3] m’a légué l’exemple : la mansuétude, l’attachement inébranlable aux opinions réfléchies, le dédain de la vaine gloire et des vains honneurs, l’assiduité au travail ; il était prêt à écouter tous ceux qui avaient à lui dire quelque chose d’utile [à la communauté] ; rien ne pouvait le détourner de récompenser chacun selon son mérite ; il savait à quel moment il fallait tendre sa volonté ou lui donner du relâche ; il avait renoncé à l’amour des jeunes garçons ; bien qu’aimant la société, il permettait à ses amis de manquer un de ses repas[4] et ne les obligeait pas à
- ↑ [Couat : « il n’était pas tour à tour abattu ou joyeux. » — Le mot que donnent en ce passage les manuscrits doit être un barbarisme. Sans doute faut-il lire ici, avec Gataker, προσσεσηρός. C’est la même épithète qui, dans les Thalysies de Théocrite (vers 19), qualifie le sourire de Lycidas.]
- ↑ [Cf. infra III, 5 (fin), et VII, 12.]
- ↑ [Son père adoptif, Antonin le Pieux. À son père, Annius Vérus, Marc-Aurèle a consacré la pensée 2.]
- ↑ [Couat : « malgré son affabilité, il n’admettait pas toujours ses amis à dîner avec lui, ni ne les obligeait… » — Le mot κοινονοημοσύνη, selon Pierron, ne se rencontre que dans ce passage. D’après son étymologie, il semble signifier : esprit de solidarité ; par suite : esprit d’égalité ou d’équité ; ou bien, selon la plupart des commentateurs : civilitas, affabilité, dit M. Couat ; — un sens tout différent, et qui ne semble pas