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BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

ne pas craindre de le perdre ! En un mot, dirige dans ce sens tes prières et observe ce qui arrivera.

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Épicure dit : « Quand j’étais malade, je ne m’entretenais pas des souffrances de mon[1] corps, et je ne parlais jamais de ce sujet à ceux qui venaient me voir. Je continuais comme auparavant à philosopher sur la nature[2] ; je m’appliquais à savoir comment notre pensée, tout en participant à ces mouvements intérieurs de la chair[3], pouvait demeurer tranquille et conserver ce qui est son bien propre. Je ne permettais pas non plus aux médecins de se flatter de leur importance ; ma vie était encore calme et heureuse. » Imite son exemple, dans la maladie[4] et dans toutes les autres circonstances. C’est une recommandation commune à toutes les écoles de ne point s’écarter de la philosophie au milieu de tous les accidents et de ne point partager les propos frivoles des ignorants et des profanes. Il faut être uniquement attentif à ce que l’on fait et à l’instrument avec lequel on le fait

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Lorsque tu t’es heurté à l’impudence d’un homme, demande-toi immédiatement : est-il possible qu’il n’y ait pas d’impudents dans le monde ? Ce n’est pas possible. Ne demande donc pas l’impossible. Cet homme est, en effet, un de ces impudents qui existent nécessairement dans le monde. Fais-toi le même raisonnement à propos des scélérats, des traîtres et de toutes

  1. [Couat : « du corps. »]
  2. [Couat : « Je continuais à philosopher sur les principes de la nature. » — Sur le sens de τὰ προηγούμενα, voir la note à la pensée IV, 1. — Φυσιολογεῖν ne désigne pas ici, comme à l’article VIII, 13, une partie seulement de la philosophie, mais la philosophie tout entière. On sait que le poème de l’épicurien Lucrèce est intitulé De rerum Natura ; que le maître lui-même, Épicure, n’avait pas composé moins de trente-sept traités sur la Nature (Diogène, X, 27), où, apparemment, devait tenir toute sa doctrine.]
  3. [Nous avons vu (supra V, 26, avant-dernière note) qu’Épicure, comme Marc-Aurèle, attribuait la sensation au corps, et la ramenait aussi à un mouvement. Dans la langue d’Épicure, συμμεταλανβάνειν doit signifier ce que signifie συμπαθεῖν dans celle de Marc-Aurèle.]
  4. [M. Couat, sur les indications de M. Stich, a supprimé les mots ἐν νόσῳ, inutiles devant ἐὰν νοσῇς.]