Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
218
BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

étaient esclaves, et par quels actes ils y cédaient[1] ! Et tout à l’heure ils y reviendront !

20

Ce que la nature universelle apporte à chacun lui est utile[2], et utile au moment où elle le lui apporte.

21

« La terre aime la pluie ; le vénérable éther aime aussi la pluie[3]. » Le monde aime à créer les êtres à venir. Je dis donc au monde : « J’aime ce que tu aimes. » N’emploie-t-on pas aussi, même en parlant des choses, les mots : « aimer à, » au sens d’« avoir coutume[4] » ?

    est, quoi qu’il en dise, en désaccord avec les mots voisins : quel rapport peut-on imaginer entre les idées de « faire le fier, le difficile, le dédaigneux » et celle de la pire débauche ? La conjecture de Reiske, ἁϐρυνόμενοι, donne le sens désiré : mais il faut convenir qu’elle s’écarte bien du texte.]

  1. [ἐδούλευον πόσοις, καὶ δι΄ οἷα. Couat : « de combien de besoins ils étaient esclaves, et pour quels motifs ! » — On se demande le sens précis de ces derniers mots, qu’on retrouve dans la traduction de M. Michaut. Je suppose que MM. Couat et Michaut se sont trompés pour avoir voulu rapprocher ce texte de la dernière pensée du livre VI, où les mots δι΄ οἷα sont définis par ceux qui les suivent et expriment nettement un motif ou un résultat. Ils n’ont point assez remarqué que, dans cet autre texte, le premier pronom employé avant δι΄ οἷαοἷοι — désignait des personnes, tandis qu’ici c’est un neutre — πόσοις : que le sens général n’est donc pas le même dans les deux cas ; il ne se sont pas avisés non plus qu’il leur eût été assez difficile de qualifier δι΄ οἷα, ici comme là-bas, par le participe περιγιγνόμενα (littéralement : « et pour qu’il leur en reste quoi ? »).

    La préposition διὰ suivie de l’accusatif peut avoir un second emploi, et, comme lorsqu’elle s’accompagne du génitif, exprimer le moyen. C’est le sens que je lui ai reconnu en ce passage.

    Pierron a fait ici, comme à l’article VI, 59, un masculin du premier pronom (πόσοις) : il a pu ainsi donner des deux textes une même traduction, et n’a pas été embarrassé par δι΄ οἷα. Mais, à son interprétation, la pensée me semble perdre et sa cohésion et sa saveur. D’ailleurs, je crois impossible de tirer de la dernière phrase, où il a vu une réponse aux interrogations précédentes, le sens qu’il lui attribue : « À qui ne faisaient-ils pas la cour naguère, et pour quoi obtenir ? Dans peu ils seront tous réduits au même état, » — καὶ μετ΄ ὀλίγον ἐν τοιούτοις ἔσονται.

    Rapprocher du présent article la fin de la pensée VIII, 3 : on y trouvera δουλεία avec un neutre pour régime, et, comme ici πόσοι et οἷα, la succession assez étrange des pronoms ὅσοι et πόσοι : ὅσων πρόνοια καὶ δουλεία πόσων.]

  2. [Le panthéisme n’admet pas l’indépendance de l’individu. Ce qui est apporté à chacun ne lui est donc utile que comme à une partie de la nature universelle. La Nature, qui est aussi Providence, ne veille, en somme, que sur elle-même. Marc-Aurèle ne saurait rien affirmer de plus. — Cf. supra X, 7, et les notes.]
  3. [Citation d’un inconnu.]
  4. [Couat : « Ne dit-on pas aussi d’une manière courante : ceci a coutume d’arriver ? » — Cette traduction, où disparaissait le jeu de mots, a été ensuite effacée, mais non remplacée par son auteur.

    On remarquera, dans le texte grec, l’emploi tout à fait insolite de μήτι au sens de nonne. Il n’est plus possible ici, comme en un autre passage des Pensées (IV, 24, 4e note, complétée aux Addenda), de supprimer l’interrogation et d’interpréter μήτι comme μήποτε.]