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BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

7

Supprime ton jugement, la proposition : « Je suis lésé, » est supprimée ; supprime la proposition : « Je suis lésé, » le dommage lui-même est supprimé.

8

Ce qui ne rend pas l’homme pire ne rend pas pire sa vie et ne lui cause aucun dommage ni extérieur ni intérieur.

9

La nature, en sa providence, est obligée d’agir ainsi[1].

10

Tout ce qui arrive arrive justement ; tu t’en convaincras par un examen attentif ; les choses se succèdent, je ne dis pas seulement dans un certain ordre, mais suivant la justice, comme si quelqu’un nous les attribuait d’après notre mérite.

    encore à son auteur, soit plutôt avec la κατασκευάσασα δύναμις (VI, 40), qui persiste — comme la ποιότης (cf. IV, 14, note 2) — dans les œuvres de la nature. Le contexte aurait pu sans doute aussi m’aider à modifier dans la traduction le mot « plan », qui semble un pléonasme à côté de « constitution ». La constitution, en effet, telle qu’on nous la définit (infra V, 16, 3e note), est elle-même un plan. Il est vrai qu’à l’usage le sens du mot s’est animé, et que ce plan (infra VI, 44, note finale) est devenu la nature, et la nature à l’œuvre. Mais même si l’on veut laisser ici à la « constitution » son sens primitif et tout abstrait, il serait facile, en se laissant guider par τὸ ὲξἤς, d’entendre par λόγος « les conséquences logiques » ou simplement « la logique » de celle-ci.

    Avec M. Couat, on le voit, j’interprète le mot παρασκευή), qui, dans les Pensées, est un ἄπαξ, comme l’équivalent de παρασκευή) ; ou plutôt, comme le mot παρὰ a été exprimé deux fois dans la ligne précédente, je suppose une erreur du scribe et je corrige le texte. D’après Stobée (II, 164), la παρασκευὴ a chez les Stoïciens un tout autre sens : c’est une des formes de l’ὁρμὴ raisonnable (supra III, 16, 3e note) ; on la définit « action préliminaire », πρἂξις πρὸ πράξεως.]

  1. [Couat : « La nature de l’utile est obligée de faire cela (?). » — C’est la même idée qui est exprimée, avec les mêmes mots essentiels : ἀναγκαῖον et συμφέρον, à la 3e pensée du livre II (3e phrase). Ici, le texte doit être altéré. Il est difficile d’admettre ἡ τοὔ συμφέροντος φύσις, « la nature de l’utile, » au moins dans une phrase où Nature serait représentée agissant (φύσις… ποιεῖν) : dans un pareil assemblage de mots, on peut dire que φύσις ne compte plus (cf. II, 1 : τεθεωρηκὼς τὴν φύσις τοὔ ὰγαθοῦ, ὄτι καλόν, c’est-à-dire τὸ ὰγαθὸν ὄτι φύσει καλόν) ; il est plus difficile encore de supprimer τοὔ συμφέροντος (ce qui ferait de ce passage comme une glose de la pensée 6). Le respect du texte nous interdit également de déplacer ces mots pour y joindre χάριν ou ἔνεκα. Bref, on ne peut guère, à mon sens, tenter ici qu’une conjecture, — supposer un participe disparu entre συμφέροντος et φύσις. J’ai lu : ἡ τοὔ συμφέροντος φροντίζουσα φύσις. La ressemblance des mots συμφέροντος et φροντίζουσα a pu faciliter la chute de celui-ci.]