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Page:Pensées de Marc-Aurèle, trad. Couat.djvu/82

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BIBLIOTHÈQUE DES UNIVERSITÉS DU MIDI

Désormais, à propos de tout ce qui pourrait te chagriner, rappelle-toi le dogme[1] : cet accident n’est pas un malheur, mais c’est un bonheur que de le supporter avec courage.

50

C’est un secours peu digne d’un philosophe, mais utile cependant pour nous amener à mépriser la mort, que de nous rappeler ceux qui se sont attachés avec obstination à la vie. Qu’ont-ils eu de plus que ceux qui sont morts prématurément ? Ils gisent quelque part, disparus à jamais, Cédicianus, Fabius, Julianus, Lépide, et tous ceux qui, après avoir conduit beaucoup d’hommes au tombeau, y ont été conduits eux-mêmes. En somme, la différence est petite, et, cette vie, à travers combien de souffrances faut-il la supporter, et dans quelles compagnies, et avec quel corps misérable ! Ce n’est donc pas une affaire[2]. Regarde derrière toi l’abîme du temps et devant toi un autre infini. Quelle différence y a-t-il alors entre celui qui est âgé de trois jours et celui qui a trois fois l’âge de Nestor ?

51

Va toujours suivant le plus court chemin ; le plus court chemin est de suivre la nature. Agis et parle toujours de la manière la plus saine. Voilà le plan de conduite[3] qui t’affranchira des peines, des combats[4], de toute politique et de toute recherche.

Livre V

1

Le matin, quand tu as de la peine à te réveiller, aie cette pensée présente à l’esprit : je m’éveille pour faire œuvre

  1. [Couat : « Souviens-toi de cette règle. » — J’ai déjà eu l’occasion de citer le vers de Juvénal (cf. la note à la pensée IV, 30) qui me semble justifier la traduction de δόγματα par « dogmes ».]
  2. μὴ οὗν ὡς πρᾶγμα. — Cette phrase est très elliptique, mais le sens en est clair, et je ne crois pas qu’il y ait lieu d’y rien ajouter pour l’éclaircir.
  3. [D’après Stobée (Ecl., II, 164), la πρόθεσις, que M. Couat traduit par les mots « plan de conduite », se définissait pour les Stoïciens exactement ainsi : σημείωσις ἐπιτελέσεως. Par la πρόθεσις, on se signifie tel acte à accomplir. N’est-ce pas, en un sens, le « ferme propos » des théologiens ?]
  4. σιρατείας est très douteux. Reiske a proposé τερατείας [= des histoires de brigands], qui serait peut-être meilleur.