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PENSÉES DE MARC-AURÈLE

mais tu interprètes mal mes paroles[1]. Aussi seras-tu de ceux que je nommais en premier lieu ; eux aussi sont égarés par une vraisemblance logique. Si tu veux bien comprendre mes paroles[2], il n’y a pas de danger qu’elles te fassent négliger d’agir pour le bien de la société.

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Prière des Athéniens : « Pleus, pleus, ô Zeus, sur les champs et sur les plaines d’Athènes ! » Ou il ne faut pas prier, ou il faut prier ainsi, simplement et libéralement[3].

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De même qu’on dit : « Esculape a prescrit à ce malade de monter à cheval, ou de prendre des bains froids, ou de marcher pieds nus ; » on peut dire de même : « la nature universelle a prescrit à cet homme la maladie, l’infirmité, les deuils, ou quelque chose d’analogue. » Dans le premier cas, le mot « a prescrit » signifie à peu près « a ordonné » comme une condition de la santé, et dans le second chaque occurrence est ordonnée pour chaque homme comme une condition de la

  1. [Couat : « Ce que tu dis là. » Var. : « La maxime que tu invoques. » — La phrase finale de la pensée m’a paru imposer cette correction. D’ailleurs, la correspondance de μὲν et de δὲ dans les deux phrases où nous lisons τὸ νῦν λεγόμενον et ὄ λὲγεις, la rencontre même de ces deux formules (alors qu’il eût été si simple d’écrire τοῦτο) en marquent l’opposition et non l’identité. Enfin, le sens ordinaire de τὸ νῦν λεγόμενον dans Marc-Aurèle (cf. X, 7, fin) n’est-il pas : « la thèse que nous soutenons en ce moment, le raisonnement présent, la maxime fondamentale de cette pensée » ?]
  2. [Couat : « cette maxime. » — Cf. la note précédente. — Ensuite : « ne crains pas qu’elle te fasse négliger d’agir… » En note : « Le sens de la dernière phrase est discutable. La leçon ordinaire est μὴ φοϐοῦ μὴ παρὰ τοῦτο, qui peut se comprendre, » et qu’en somme nous avons traduit. « Mais les manuscrits A et D ne donnent pas le premier μή. — Gataker inclinerait à écrire μὴ φοϐοῦ, μήδε παρὰ τοῦτο… Je ne vois pas bien l’utilité de cette nouvelle correction. » — S’il m’était prouvé que le premier μὴ de la vulgate fût une addition de Xylander, et que son manuscrit, comme ceux que nous avons conservés, lui eût présenté la leçon inintelligible φοϐοῦ μή, j’aimerais autant écrire ici οὺ μὴ que μὴ φοϐοῦ μή, — qui peut avoir le même sens. Le texte y gagnerait du moins en clarté. Tel que le donne la vulgate et que le supposent la plupart de nos traductions, il est amphibologique, en effet. « Si tu veux bien comprendre mes paroles, ne crains pas qu’elles te fassent négliger le devoir » peut signifier, soit : « Pour les bien comprendre, il faut commencer par ne s’en pas défier, » soit : « Pour peu qu’on ait bien voulu les comprendre, on peut être sûr d’agir toujours bien… » — Le contexte, surtout les deux phrases précédentes (« tu interprètes mal… Aussi seras-tu… ») ne permettent guère, d’ailleurs, d’hésiter longtemps entre les deux sens.]
  3. [Var. : « librement. » — Un Athénien priait non seulement pour lui-même, mais pour toute l’Attique, sinon (cf. Pausanias, I, xxiv, 3) pour toute la Grèce.]