Page:Pere De Smet.djvu/232

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gieuse. C’était, au dire du capitaine, une des plus fortes tempêtes qu’il eût vues, depuis trente ans qu’il vivait sur mer. Toute la semaine, nous dûmes garder l’intérieur du navire. À peine osait-on se cramponner quelques instants sur le tillac, pour contempler le terrible spectacle. Sans cesse nous eûmes la mort devant les yeux.

» Le 31, le calme revint ; nous commençâmes à respirer ; mais le 1er avril, l’agitation reprit. Toute la journée, nous fûmes poussés par le vent contre les rochers qui bordent les côtes sauvages de la Patagonie. Nous n’en étions plus éloignés que d’une demi-lieue. Tous, excepté les religieuses, nous restâmes sur le pont, les regards fixés sur les écueils qui nous menaçaient d’une mort prochaine, car toute manœuvre était inutile. Notre silence n’était interrompu que par les paroles sinistres du capitaine : « Nous sommes perdus ! Tout est perdu ! » Mais Dieu semblait nous dire : « Je veille sur vous ».

» Le P. De Smet alla trouver les religieuses qui, comme nous, ne cessaient d’implorer le secours de la Sainte Vierge. Il leur déclara, qu’à moins d’un miracle, le naufrage était inévitable, et s’offrit à entendre leur confession. Toutes répondirent en souriant qu’elles étaient tranquilles, que Dieu pouvait disposer d’elles comme bon lui semblait, qu’elles attendaient avec résignation l’accomplissement de sa sainte volonté.

» Il était 11 heures de la nuit. Déjà on entendait les vagues se briser contre les récifs, lorsque tout à coup le vent changea et nous poussa vers la haute mer. Sans ce revirement, un demi-quart d’heure plus tard, nous n’étions plus »[1] !

  1. Relation de voyage adressée au P. Broeckaert. — Lima, 20 mai 1844.