Page:Pere De Smet.djvu/235

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» Le ciel était pur, le soleil brillait de tout son éclat ; depuis longtemps nous n’avions pas eu pareille journée. Il ne manquait plus, pour la rendre la plus belle de notre voyage, que l’heureuse entrée dans le fleuve. À mesure qu’on approchait, les prières redoublaient.

» Cependant le capitaine ordonne de jeter le plomb. Deux matelots s’attachent au dehors du vaisseau et sondent. On entend le cri : « Sept brasses. » De cinq en cinq minutes, le cri se renouvelle ; puis : « Six brasses… Cinq brasses… » Le nombre diminuait toujours. Quand on cria : « Trois brasses… Deux brasses et demie… » tout espoir s’évanouit. C’était le minimum d’eau nécessaire au navire.

» Le Seigneur voulait mettre notre foi à l’épreuve ; il n’avait pas résolu notre perte. Le cri de « Quatre brasses » se fait entendre. On respire, on prend courage ; mais le danger n’avait pas disparu : nous avions encore deux milles de brisants à franchir. Un second cri de « Trois brasses » vint de nouveau nous remplir d’épouvante. Le lieutenant dit alors au capitaine :

— Nous nous sommes trompés de route.

— Bah ! reprit celui-ci, ne voyez-vous pas que l’Infatigable passe partout ? Avancez. » Le ciel était pour nous. Sans lui, ni l’habileté du capitaine, ni la solidité du navire, ni l’activité de l’équipage, n’eussent pu nous défendre d’une perte certaine. Nous étions à plus de cent mètres de la bonne voie, au milieu du canal du sud, où jamais vaisseau n’avait pénétré[1]… Dieu, sans doute, voulait nous montrer

  1. « À peu de distance de son embouchure, le Columbia se divise en deux branches, formant comme deux canaux ; l’un,