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vertus naturelles ; pour embrasser le christianisme, ils n’avaient besoin que de le connaître.[1] Les plus dégradés avaient du moins conservé une haute idée de la grandeur et de la puissance de Dieu. Le blasphème leur était inconnu. N’osant directement s’adresser au « Grand-Esprit », ils priaient leurs manitous d’intercéder pour eux. Superstition sans doute, mais sous laquelle vivait un sentiment religieux que le missionnaire n’avait souvent qu’à éclairer et à diriger.

Nul, d’ailleurs, n’était retenu par l’amour-propre ou les préjugés. Nous verrons les plus fiers Indiens de l’Ouest, les Sioux, se comparer à « des enfants qui n’ont point de père pour les guider, aux animaux de la prairie qui ignorent tout », et, avec une touchante humilité, prier le missionnaire de « les prendre en pitié ».

Ces âmes droites savent, de plus, apprécier la virginité du sacerdoce catholique. Avec une singulière justesse de vue, le sauvage a compris que, devant appartenir à tous, le prêtre ne peut être lié particulièrement à personne. Aussi n’hésite-t-il jamais entre la robe-noire, qui lui consacre sa vie, et le fonctionnaire à cravate blanche qui, avec femme et enfants, s’installe dans une confortable habitation, se dévoue aux intérêts des siens, et consacre le temps qui lui reste à distribuer des bibles.[2]

  1. « L’Indien de l’Amérique du Nord est le plus beau type païen qui soit sur la terre. Il reconnaît un Grand-Esprit ; il croit à l’immortalité ; il a l’intelligence vive et l’esprit clair ; il est brave et intrépide ; aussi longtemps qu’il n’a pas été trahi, il est fidèle à la parole donnée ; il aime passionnément ses enfants, et se fait une joie de mourir pour sa tribu ». (Rev. Whipple, évêque protestant du Minnesota, cité par Helen Jackson, A Century of Dishonor, p. VII).
  2. Cf. Marshall, Les Missions chrétiennes, t.II, p. 330 et suiv.