Page:Pere De Smet.djvu/267

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

porc-épic. C’était à faire bondir l’estomac le plus intrépide et le plus affamé. À défaut de nappe et de vaisselle, quelques convives ôtèrent leur chemise de cuir, luisante de crasse, et l’étendirent sur le sol. C’est sur ce couvert que l’on coupa et que l’on distribua la viande. Quand il fallut s’essuyer les mains, les cheveux firent l’office de serviettes.

» Une bonne vieille, le visage barbouillé de sang — car elle était en deuil — me présenta une écuelle de bois, pleine de bouillon. La cuiller en corne de mouton, dont je devais me servir, était couverte de graisse. Elle eut la complaisance de la lécher, avant de la mettre dans ma soupe…

» Les Indiens ont une singulière façon de préparer certain plat, que d’ailleurs ils considèrent comme délicieux. Les femmes seules s’en occupent. Elles travaillent d’abord, avec des mains crasseuses, du sang, qu’elles font ensuite bouillir en le mêlant avec de l’eau. Alors elles remplissent la chaudière de graisse et de viande hachée, mais hachée avec les dents. Souvent une demi-douzaine de vieilles sont occupées, des heures entières, à la préparation de ce singulier ragoût ; elles mâchent et remâchent, bouchée par bouchée, ce qu’elles font ensuite passer dans la marmite, pour composer le fameux hachis des Monts-Rocheux.

» Ajoutez à cela des gâteaux faits avec des fourmis et des sauterelles écrasées et séchées au soleil, et vous connaîtrez à peu près les friandises d’une table assiniboine ».[1]

La peuplade n’était que médiocrement disposée à

  1. Lettre à Mgr Hughes. — Camp assiniboin, 26 sept. 1845.