Page:Pere De Smet.djvu/276

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couverte de débris d’avalanches, tantôt sur des lacs ou des torrents ensevelis sous la neige ; ici, sur le flanc d’une montagne escarpée ; là, à travers une forêt de cyprès, dont nous n’apercevions que la cime. Je ne saurais vous dire le nombre de mes culbutes. À chaque instant, je me trouvais embarrassé dans mes raquettes ou accroché à quelque branche. Lorsque l’on tombe, naturellement et comme par instinct, l’on étend les bras pour atténuer la violence de la chute, et, sur une profonde neige, le danger n’est pas grand ; les bras s’enfoncent jusqu’aux épaules, l’on se débat et l’on rit. Mes compagnons se montrèrent pleins de complaisance ; après chaque chute, ils s’empressaient de me remettre sur mes jambes.

» Nous fîmes environ trente milles, et nous nous disposâmes à camper. Nous coupâmes quelques branches de pin, que nous étendîmes sur la neige pour nous servir de lit.

» Dormir sur la neige, à la belle étoile, doit vous paraître incommode et bien étrange, ainsi qu’à tous les amateurs de chambres chaudes et de matelas bien garnis. On se trompe. Venez respirer l’air pur de la montagne, où l’on n’entend jamais tousser, où l’on ne songe guère à exciter l’appétit par des assaisonnements ; venez essayer de la vie nomade, et vous conviendrez qu’on oublie facilement les fatigues d’une longue course, qu’on trouve de la joie et du bien-être, qu’on dort à merveille dans une peau de buffle, étendu sur des branches de pin, à côté d’un feu pétillant.

» Le lendemain, nous tentâmes la descente escarpée de ce qu’on appelle la Grande Côte de l’Ouest. Nous y mîmes cinq heures. Toute la pente est couverte d’arbres gigantesques, de pins, de sapins, de mélèzes et de cèdres.