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ne fait que soupirer après eux. Si jamais Dieu me fait encore la grâce de revoir ma patrie, ce sera pour ne la plus quitter ».[1]

Il eût été, croyons-nous, difficile au P. De Smet de tenir pareille résolution. Jusqu’à sept fois il reverra la Belgique, et toujours, malgré l’affection qu’il garde aux siens, la pensée des âmes à sauver le ramènera vers sa seconde patrie.[2] Toutefois, il ne nous déplaît pas de voir le grand missionnaire plier un instant sous le fardeau. Pour rester très humaine, sa physionomie n’en est que plus attachante. Et qui ne sait qu’à se raidir contre l’épreuve, il y a souvent plus d’orgueil que de vertu ?

Bientôt d’ailleurs le P. De Smet a retrouvé son entrain. Écoutons-le raconter les péripéties du terrible passage.

« Nous avions à franchir soixante-deux milles en raquettes, pour nous rendre au campement des Berges, sur les bords du Columbia. Nous résolûmes de faire ce trajet en deux jours et demi.

» Les commandants du fort des Montagnes et du fort Edmonton auraient voulu me détourner de ce voyage ; ils pensaient que mon embonpoint me rendait absolument incapable de l’accomplir. J’avais cru pouvoir remédier à l’inconvénient de la pesanteur par un jeûne rigoureux et volontaire d’une trentaine de jours. Je me trouvais vraiment allégé, et me mis en route avec courage sur seize à vingt pieds de neige. » Nous marchions en file, tantôt à travers une plaine

  1. Lettre à François De Smet. — Du pied de la Grande-Glacière, dans le Haut-Athabasca, 6 mai 1846.
  2. Dès 1833, le P. De Smet était devenu, par la naturalisation, citoyen des États-Unis.