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milieu des tribus. Il s’est maintes fois trouvé dans des situations plus critiques que celles qu’ont imaginées les conteurs d’aventures. Ces chasses, dont il raconte les péripéties, il en a partagé les émotions et les périls ; ces festins, qui parfois soulèvent le cœur, il a dû s’y asseoir, pour ne pas blesser la susceptibilité du sauvage ; ces conversions en masse, ces merveilles de la grâce, il en a été l’instrument[1].

L’auteur possède d’ailleurs une grande finesse d’observation, un bon sens indéfectible, un réel talent de narrateur. Il a l’expression originale, le mot pittoresque. Aux scènes les plus dramatiques succèdent des réflexions pleines d’humour. Un style parfois diffus, une phrase traînante, certaines impropriétés de termes s’expliquent facilement, si l’on songe que ces lettres furent écrites au courant de la plume, au milieu des circonstances les moins favorables à la composition. Souvent, c’est sur le bateau, parmi le va-et-vient des passagers, ou pendant une halte, après de longues heures de marche, que le missionnaire a décrit un paysage, ou recueilli ses souvenirs. Ne faut-il pas plutôt s’étonner que ce Flamand, parti pour l’Amérique avant d’avoir achevé ses études, n’ayant guère parlé, depuis vingt ans, que l’anglais ou l’indien, manie avec tant d’aisance la langue française ?

Au surplus, le P. De Smet n’est guère sensible à la gloriole d’écrivain. Volontiers il s’excuse de « son

  1. Ce qu’il n’a pu voir de ses yeux, le P. De Smet s’en est minutieusement informé auprès des hommes les plus capables de l’instruire. Il comptait parmi ses amis bon nombre de marchands, d’interprètes, de pilotes qui avaient longtemps séjourné dans l’Ouest et partagé la vie des sauvages. Cf. Chittenden et Richardson, p. 141.