Page:Pere De Smet.djvu/316

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Ravi d’une telle assurance, Kistalwa donne son consentement. Mais quelle n’est pas la douleur de Monotawan, « la Gazelle-Blanche » ! — c’est ainsi que les Indiens appelaient Marie Bouchard. Les mains levées sur la tête de son fils, elle implore pour lui la protection du Grand-Esprit. Puis les guerriers s’éloignent, tandis que la pauvre mère répète en sanglotant :

— Watomika, mon cher Watomika, je ne te verrai plus !

Bientôt les Delawares ont rejoint les Sioux. Quoique inférieurs en nombre, ils jettent le cri de guerre. Une mêlée effroyable s’engage. De sa voix de tonnerre, Kistalwa excite les combattants. Blessé à la jambe, son fils continue de lutter à ses côtés. Tout à coup, Kistalwa tombe mortellement frappé ; mais la perte de leur chef ne fait que redoubler la furie des Delawares, et précipiter la déroute des Sioux.

Selon l’usage de la tribu, Watomika ne cessa de placer, chaque jour, sur la tombe de son père, un de ses mets préférés, jusqu’à ce qu’un songe vînt l’assurer que le défunt était entré dans la « Terre des Vivants ». Mais déjà Dieu se préparait à éclairer son âme des lumières de la vraie foi.

Peu après, un ministre presbytérien visita le pays pour y établir une mission. Frappé de l’air intelligent du jeune Indien, il lui offrit de l’envoyer au collège de Marietta, dans l’Ohio, pour y étudier la religion des Blancs. À cette idée, l’enfant du désert éprouve d’abord une vive répulsion. Abandonnera-t-il la terre des aïeux, sa mère qu’il chérit, pour aller vivre chez des étrangers qu’on lui a appris à détester ?… Mais bientôt, obéissant à un appel irrésistible, il se décide à partir.