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Par ses manières simples, sa cordiale bonté, le P. De Smet sut conserver comme amis ceux qui étaient devenus ses subordonnés.

Aucun ne lui fut plus attaché qu’un jeune religieux, Jacques Bouchard, plus souvent appelé de son nom indien, Watomika, « l’Homme-aux-pieds-légers ». L’histoire de ce converti, que nous avons retrouvée écrite de sa main, est singulièrement émouvante.

Par sa mère, Marie Bouchard, Watomika descendait d’une famille d’Auvergne, émigrée pendant la Révolution. Son père, nommé Kistalwa, appartenait à la tribu des Delawares, jadis une des plus puissantes de l’Amérique.

Son intégrité, son courage, avaient fait élever Kistalwa à la dignité de grand chef. Il ne pardonnait pas aux États-Unis d’avoir usurpé les terres de ses ancêtres, et ne cessait d’inspirer à son fils une haine implacable contre les Blancs.

Élevé dans le paganisme, Watomika apprit de bonne heure à monter à cheval, à manier l’arc et le tomahawk.[1] À neuf ans, il accompagnait les guerriers à la chasse, où son audace étonnait les plus intrépides.

Un jour, on apprend qu’un Delaware vient d’être mis à mort par un parti de Sioux. Aussitôt Kistalwa rassemble ses braves, afin de poursuivre l’ennemi. Watomika demande à faire partie de l’expédition.

— Ne crains-tu pas, lui dit son père, que les Sioux ne t’arrachent le scalp ?

— Si mon père est un lâche, répond l’enfant, alors, moi aussi, je suis un lâche.

  1. Nom donné à la hache de guerre des Peaux-Rouges.