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recourir à un prêtre, voire à un jésuite. Il lui expose ses doutes, ses inquiétudes. La grâce fait le reste. Watomika abjure ses erreurs, et, quelques mois après, sollicite son admission dans la Compagnie de Jésus.

Reçu, à vingt-quatre ans, parmi les novices de Florissant, puis, plus tard, ordonné prêtre, le fier descendant des chefs delawares, l’ancien disciple de Calvin, écrivait au P. De Smet : « Mon unique désir, l’objet constant de ma prière, est de vivre et de mourir en vrai fils de la Compagnie, dans quelque endroit ou fonction que m’assigne la volonté de Dieu, par la voix de mes supérieurs ».

On devine quelle tendre amitié unit dès lors les deux religieux. L’apôtre des Indiens aimait à voir dans le nouveau converti, élevé à un état sublime, les prémices d’une race injustement méprisée. De son côté, Watomika, devenu le P. Bouchard, reconnaissait dans le missionnaire le plus dévoué défenseur de ses amis opprimés. Lorsqu’il vit, au mépris des traités, les Delawares dépouillés de leurs terres et de leurs biens, ce fut au P. De Smet qu’il confia sa douleur.[1]

Envoyé par ses supérieurs à San-Francisco, il devait y rester, près de trente ans, l’orateur le plus goûté, le prêtre le plus vénéré de la région. Jamais il n’oublia celui qui, au début de sa nouvelle vie, l’avait accueilli avec

  1. « Quand l’insolent Américain m’aurait mis le pied sur la gorge, je n’aurais pas plus souffert ». (Lettre au P. De Smet. Chicago, 11 nov. 1857).
    « Je ne puis que pleurer et gémir sur la ruine de ma chère tribu. Elle méritait un meilleur sort. Mais qu’attendre d’un gouvernement sans loyauté, d’une nation avare, qui n’a d’autre dieu que le tout-puissant dollar, qui ne convoite que les territoires des peuples sans défense ? Ah ! mon cœur saigne quand je pense à l’avenir de ma tribu ruinée, corrompue, détruite par la main sanguinaire d’un gouvernement soi-disant libéral ». (Au même. Leavenworth, ler juillet 1857).