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ans. Il se faisait remettre la liste de leurs prénoms, pour les donner aux petites sauvagesses qu’il baptiserait.

En maint collège[1], il faisait parader, sous les yeux des écoliers, des jeunes gens travestis en Peaux-Rouges. Alors, la salle éclatait en applaudissements sans fin. Jouissant, plus que personne, du bonheur qu’il provoquait, le Père riait de bon cœur avec les plus petits.

Mais où il excellait, c’est dans les histoires. Comme tout missionnaire, il en savait beaucoup, les unes ravissantes, comme celle de Louise Sighouin, « la sainte des Cœurs-d’Alène »[2], les autres terribles, comme celle de Tchatka, le chef assiniboin, digne émule de Néron et de Caligula[3]. Certains de ses récits avaient une saveur toute sauvage ; par exemple, lorsqu’il parlait de la gorgée d’eau-de-vie que les Indiens se passent de bouche en bouche, et que le dernier a le droit, par compensation, d’avaler tout entière.

Rarement, il se mettait lui-même en scène. Le pressait-on de raconter ses propres aventures, il s’y prêtait avec son habituelle bonhomie.

Un jour, dans les Montagnes-Rocheuses, il avait vu, au détour d’un sentier, un ours gris se jeter sur lui et, de ses énormes griffes, le saisir à la poitrine. Se croyant perdu, il avait multiplié les actes de contrition. Puis, avec une vigueur que décuplait le danger, il avait, de ses bras, étreint l’animal jusqu’à l’étouffer[4].

  1. À Bruxelles, à Gand, à Anvers, à Namur, et, paraît-il, jusque devant les étudiants de la Sorbonne (Cf. Chittenden et RICHARDSON, p. 66).
  2. Cf. Lettres choisies, 2e série, p. 357.
  3. Ibid. 1re série, p. 223.
  4. Nous trouvons ce fait consigné dans les notes du P. Deynoodt, intime ami du P. De Smet. — M. le baron de Woelmont