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spectres, qui se penchent sur le bord du navire, comme pour faire à la mer quelque urgente communication. Ceux qui se sont le mieux traités, et ont regardé, peut-être un peu trop, au fond du verre, ont les visages les plus défaits : ce sont de vrais parchemins.

» Neptune est à son poste. L’inexorable douanier exige son tribut, et, bon gré, mal gré, il faut payer jusqu’à la dernière obole. Or, le tribut se paie en sens contraire à l’ordre du repas. On a quitté la table après s’être régalé de dessert ; eh bien ! Neptune vous demande d’abord les amandes et les noisettes, les raisins et la tarte, ensuite le jambon ou la langue, puis le poulet et le rôti ; et il ne vous laisse en repos que lorsque vous lui avez donné tout entière votre assiette de soupe »[1].

Le P. De Smet ne cache pas qu’il a dû, à son tour, s’exécuter. Malgré son habitude de la mer, il ne put jamais s’affranchir de cette répugnante sujétion. Mais ses voyages lui ménageaient de plus redoutables épreuves.

En décembre 1853, il conduisait en Amérique treize jeunes gens. Sur le même bateau, le Humboldt, était Mgr Miège, venu en Europe pour prendre part à l’élection du P. Beckx.

Le charbon venant à manquer, le capitaine avait donné l’ordre de gagner au plus tôt Halifax.

À quelques milles du port, un pêcheur se présente, et offre de conduire le vaisseau.

— Êtes-vous pilote ? demande le capitaine.

— Certainement, répond le pêcheur ; je puis aller chercher mon certificat.

Le capitaine le croit sur parole, et lui confie le gouvernail.

  1. À Ch. De Smet. — New-York, 14 mai 1857.