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l’attachement. Au moins voulait-il qu’ils pussent le suivre à toutes les étapes de son voyage. Il leur adressait du Havre, de Southampton, d’Halifax, de New-York, des lettres où les marques d’affection se mêlent au récit de scènes pittoresques ou lugubres.

Au mois d’avril 1857, le P. De Smet s’était embarqué à Anvers, avec sept nouveaux missionnaires.

« Il faisait un temps magnifique. Sur le steamer régnait une vive animation. Une multitude d’émigrants : Allemands, Hollandais, Suisses, Belges, Français, etc., travaillaient à se rendre la traversée agréable, ou, comme disent les Anglais, confortable. Les matelots, attentifs au commandement, étaient à leur poste. » Un jour nous suffit pour atteindre Southampton. Le bateau y resta jusqu’au lendemain, pour recevoir des passagers anglais et irlandais. Il y avait à bord plus de 600 personnes. Toute la journée, on n’entendit que le chant des Allemands et des Hollandais, rassemblés sur le pont. Ils exécutèrent plusieurs parties de danse au son du violon, de la guitare et de l’accordéon. Le tillac ressemblait à un village au temps de la kermesse. Mais la joie, souvent, n’est pas de longue durée, et nous en eûmes la preuve.

» À peine avions-nous perdu de vue l’île de Wight, que la scène prend un aspect différent. La mer est agitée. Le tangage secoue violemment le navire, tantôt nous portant sur la cime des vagues, tantôt nous précipitant, comme dans un abîme, entre les eaux écumantes… Les chants et les danses ont cessé ; la table est presque déserte : la faim et la gaîté ont ensemble disparu. Çà et là, des groupes à triste figure ; des hommes, des femmes, des enfants, les yeux hagards, pâles et blêmes comme des