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LA COMTESSE HÉLÈNE POTOCKA.

rues on avait substitué aux noms des saints ceux des patriotes ou des philosophes à la mode. Les voitures de place n’étaient autres que les carrosses confisqués des ci-devants. Les petites boutiques de libraires des quais, qui existaient déjà, étaient remplies de livres richement reliés portant sur le plat le blason des plus anciennes familles ; on voyait également étalés, à la devanture des brocanteurs, de superbes portraits volés dans les hôtels parliculiers[1].

On devine qu’Hélène dirigea d’abord ses pas vers le séjour où s’était écoulée son enfance et dont elle gardait un si doux souvénir ; mais, hélas ! l’Abbaye-aux-Bois était fermée, les religieuses dispersées, l’abbesse morte ; la vieille mère prieure seule habitait encore dans le voisinage, et occupait une misérable chambre rue de Sèvres, avec une sœur converse qui n’avait pas voulu la quitter. La chapelle extérieure cependant était ouverte et rendue au culte public. La comtesse y entra prier quelques instants, puis obtint du concierge de la laisser pénétrer dans les jardins de l’abbaye. Une vive émotion s’empara d’elle

  1. Madame de Genlis racunte que, dans une seule boutique, elle vit plus de vingt portraits de ses amis ; presque tous avaient été guillotinés.