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Page:Pergaud-Le Roman de Miraut, 1913.djvu/15

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Les soupiraux du poêle de fonte rougeoyaient comme des yeux malades, lançant leurs rayons sur les ventres des buffets et jouant avec les moulures des pieds du lit. Le couvercle d’une marmite où cuisait le lécher des vaches, soulevé par la vapeur, se mit à battre un roulement semi-métallique, comme un appel infernal. La chatte, Mique, s’étira sur son coussin au bout du canapé, fit un énorme dos bossu, bâilla en ouvrant une gueule immense qui projeta ses moustaches en devant, s’étira du devant, puis du derrière et s’assit enfin, les yeux mi-clos, la queue soigneusement ramenée devant ses pattes.

La Guélotte retira la soupière placée sur l’avance du fourneau et dont le ventre, chaud et poli, luisait comme une joue d’enfant.

La colère grandissait et s’enflait en elle avec l’appréhension et le doute.

— Grand goûilland ! grand soulaud ! grand cochon ! monologuait-elle à mi-voix.

L’attente vaine l’énervait de plus en plus, lui faisait oublier toute prudence, et, quitte à écoper d’une ou deux paires de gifles, elle se préparait à accueillir le retour de son mari par une bonne scène dans laquelle elle ne lui mâcherait pas qu’elle avait à lui dire. Neuf heures sonnèrent à la vieille horloge. La large lentille de cuivre, comme une face ronde et hilare, semblait jouer