Page:Pergaud-Le Roman de Miraut, 1913.djvu/36

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Si j’avais connu le salaud qui, l’année passée, a fichu un coup de trident à ma Bellone, je voulais lui repayer son coup de fourche, moi, et avec usure.

— Éreinter une bête sans raisons, ou parce qu’elle a lapé l’assiette d’un chat, ou gobé un œuf dans un nid, c’est être trop brute ou trop lâche ! Si mon chien fait des sottises, je suis solide pour les payer, j’ai jamais refusé de rembourser les dégâts quand c’était prouvé, comme de juste.

» Mais, mes bêtes, c’est la même chose que mes gosses, je ne veux pas que quelqu’un d’autre que moi y touche. C’est moi qui juge quand ils ont besoin d’une taloche ou d’une correction, et on sait que je ne la leur ménage pas, s’ils la méritent ; seulement nous autres, on sait ce qu’on fait quand on tape et on ne risque pas d’estropier ni de donner un mauvais coup.

» Voilà ! Si on buvait une goutte, proposa Lisée ! J’t’ai pas seulement remercié de m’avoir ramené mon sac de sel. Et ta mère brebis, en es-tu content ?

— Oui, bien content, et tu sais que je ne l’ai pas payée trop cher. J’ai de quoi les hiverner comme il faut, elle et ses agneaux ; au printemps les moutons seront bons à vendre, ils me