Page:Pergaud-Le Roman de Miraut, 1913.djvu/44

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au pharmacien et au boucher, des observations sans nombre, il avait réuni un irréfutable faisceau de preuves contre le bandit, la crapule qui tuait les bêtes en leur donnant à manger, le lâche hypocrite qui n’osait pas l’attaquer en face. Il avait longtemps attendu son heure, différant la vengeance jusqu’au moment où l’affaire serait presque oubliée et où l’autre n’y penserait plus.

Et puis, un beau soir que son empoisonneur était parti en course au village voisin, Lisée, sans être vu, était venu s’aposter pour l’attendre au coin du bois du Teuré. Quand il arriva, le chasseur l’aborda carrément sur la route, se nomma : c’est moi Lisée ! puis lui rappela les faits, lui fournit les preuves, le traita d’assassin et de lâche, et, après l’avoir largement souffleté, le colleta.

Et alors, la colère, comme un torrent trop longtemps endigué, remontant du plus profond de son cœur, il avait administré au chenapan une de ces tournées fantastiques, une de ces volées de coups de pied et de coups de trique si terrible que l’autre, cabossé, meurtri, tâlé, éborgné, en avait été plus de quinze jours avant d’oser sortir et ne s’était jamais vanté de la chose.

Mais pas un chien n’avait péri depuis au village : la leçon avait profité.