Page:Pergaud-Le Roman de Miraut, 1913.djvu/59

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et qu’ils feront plus d’une partie ensemble. Elle le défend, comme si elle était sa mère.

— Si ton chien était aussi bien une chienne, remarqua son interlocuteur, elle ne l’aurait pas protégé. Entre elles, ces charognes-là ne peuvent pas se sentir, tandis que des mâles s’accordent parfaitement.

— Sauf quand il y a une chienne en folie dans le pays.

— Oh ! dans ce cas-là, reprit le cordonnier, il n’y a pas que les chiens qui se brouillent. Encore ont-ils, eux, sur les hommes, l’avantage de tout oublier quand c’est passé, tandis que j’en connais et toi aussi qui, pour des sacrées morues de rien du tout, plus décaties maintenant qu’un tronc vermoulu et pas même bonnes à laver la buée, se saigneraient encore en souvenir de ce qui s’est passé il y a peut-être plus de trente ans.

— Pourtant, insista Lisée, il y a des chiens chez qui ça dure : ainsi le Turc du Vernois et le Samson de Salans n’ont jamais pu se sentir ni se rencontrer sans se foutre la pile.

— Ça ne m’étonne pas : ce sont les plus forts du pays. Dès qu’une femelle s’échauffe, ils sont là, et, comme les autres filent doux devant leurs crocs, c’est toujours entre eux deux que ça se passe. Alors, tu comprends, une rancune n’est