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la guerre des boutons


Les guerriers qui arrivaient prirent part à l’opération : on commença par les pieds ; mais comme l’autre ne cessait point de cracher sur tous ceux qui approchaient à portée de son jet de salive et qu’il essayait même de mordre, Lebrac ordonna à Boulot de fouiller les poches de ce vilain coco-là et de se servir de son mouchoir pour lui boucher sa sale gueule.

Boulot obéit : sous les postillons de l’Aztec dont il se garait d’une main autant que possible, il tira de la poche du prisonnier un carré d’étoffe de couleur indécise qui avait dû être à carreaux rouges, à moins qu’il ne fût blanc du temps, pas très lointain peut-être, qu’il était propre. Mais ce « tire-jus » n’offrait plus maintenant aux yeux de l’observateur, par suite de contacts avec des objets hétéroclites très divers et sans doute aussi les multiples usages auxquels il avait été voué : propreté, lien, bâillon, bandeau, baluchon, coiffure, bande de pansement, essuie-mains, porte-monnaie, casse-tête, brosse, plumeau, etc., etc., qu’une teinte pisseuse, verdâtre ou grisâtre, rien moins qu’attirante.

– Bien, elle est propre, sa guenille, fit Camus ; elle est encore pleine de « chose » ; t’as pas honte, dégoûtant, d’avoir une saleté pareille dans ta poche ! Et tu dis que t’es riche ?

Quelle saloperie ! un mendiant n’en voudrait point, on ne sait pas par quel bout le prendre.