Page:Pernette du Guillet - Rymes, Tournes, 1545.djvu/83

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Certainement j’en demourrois assez,
Au dict de ceulx, qui sont perseverantz
En leur amour, sans sortir hors des rancz :
Et qui (vrayement) sont de telle excellence,
Qu’en eulx vertu par longue patience
S’esvertuant plus fort se glorifie :
Nature aussi du tout s’y fortifie,
Et tellement, que dessus eulx Fortune
N’à nul pouvoir, & n’a puissance aucune,
Sinon d’autant, que le veult, & commande
L’injuste Amour, qui raison ne demande.
Mais que te vault ? Tu descharges ta Dame
En l’accusant : & en luy donnant blasme
L’honores mieulx : Vituperant la loues :
La denyant plus fort tu la te advoues.
Et si tu veulx, comme dure, & cruelle
La blasonner, par raison naturelle
Tu la viendras, comme juste, adorer,
Et en ton cueur sa vertu odorer.
Car ce, qui deubt le noud lyer, le soult :
Ce, qui devroit bien fort contraindre, absoult :
Et ce, que plus on destrainct, & deslye,
C’est ce, qui plus éternellement lye.
La haulteur sienne, ou son cueur se pourmaine,
(Qui la demonstre estre doulce, & humaine)