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Page:Pernety - Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, 1757.djvu/204

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COCO

voir le deſir d’acquerir cette partie de la Peinture, qui fait la moitié de cet art, ſi la diſpoſition de l’organiſation ne ſeconde pas cette envie.

Ce défaut des organes, qui rend les objets ſouillés de teintes étrangeres, altere la pureté de ce genre de ſenſation. Il faut donc eſſayer, tâter ſes teintes, conſulter ſes amis ſur ſes eſſais, & les mettre dans le cas de dire leur ſentiment avec franchiſe, & profiter de leurs avis.

La mauvaiſe habitude ſouvent puiſée dans l’école du Maître, eſt auſſi la ſource des défauts du coloris. On doit donc s’efforcer de rectifier ſes mêlanges, & de corriger en ſoi ce que de mauvais principes ont gâté. Un Maître ſans orgueil ſeroit le bonheur de ſes Éleves, ſi au lieu de ſes propres tableaux, il faiſoit ſon poſſible pour leur procurer les tableaux des plus grands Maîtres à copier.

Deux choſes ſont compriſes ſous le coloris ; la couleur locale & le clair-obſcur. La couleur locale eſt celle qui eſt naturelle à chaque objet, & que le Peintre doit faire valoir par la comparaiſon : cette induſtrie comprend encore la connoiſſance de la nature des couleurs, c’eſt-à-dire de leur amitié & de leur antipathie. Le clair-obſcur fait valoir les couleurs locales & toute la compoſition du tableau ; c’eſt lui qui par la diſtribution des lumieres & des ombres, dirige le coloris, cette partie ſi eſſentielle de la Peinture, que c’eſt par elle qu’elle eſt diſtinguée de la Sculpture & de la Gravûre.

La plûpart des Peintres, ou ne ſont pas aſſez perſuadés de cette vérité, ou ne donnent pas toute l’attention qu’ils devroient, pour en apprendre les principes. Cette indifférence qui marque trop combien peu ils les connoiſſent, retarde infiniment les progrès qu’ils pourroient y faire. La ſcience du coloris eſt bien plus difficile qu’on ne penſe, puiſque depuis environ trois cens ans que la Peinture eſt reſſuſcitée, à peine compte-t-on huit à dix Peintres qu ayant bien colorié : peut-être auſſi que les eſſais que l’on fait, ayant pour modele la variété infinie des objets que l’on traite, cette variété a été cauſe qu’on n’a pas établi de régles bien préciſes à cet égard.