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Page:Pernety - Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, 1757.djvu/207

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COCO

d’accord avec l’action, & participer de la couleur dominante de la figure principale, on ne prétend pas exclure cette variété bien ménagée des autres couleurs, qui eſt tellement requiſe pour le bel effet, que ſans elle un tableau ne ſeroit qu’un camayeu. Un ciel également bleu, par-tout plairoit beaucoup moins que ſi cette monotonie étoit rompue par quelques nuages, ou par les rayons d’un ſoleil levant ou couchant, qui termineroient l’horiſon.

Ce n’eſt pas non plus dans une bigarrure de couleurs différentes que conſiſte la beauté du coloris de l’enſemble d’un tableau, mais dans leur juſte diſtribution, guidée par la connoiſſance de l’amitié qu’elles ont entr’elles, afin qu’elles ſe faſſent valoir & ſe ſoutiennent les unes & les autres. S’il s’agit du coloris de chaque objet conſidéré ſéparément, ſa beauté dépend de la rupture & du mêlange des couleurs de la palette, enſorte que par ce mêlange & la diſtribution qu’une main habile ſçait en faire, la pierre peinte, par exemple, reſſemble à la pierre naturelle ; que les carnations paroiſſent des chairs véritables, ſuivant l’âge & le ſexe des figures, & enfin que non ſeulement chaque objet particulier repréſente parfaitement la couleur de ceux que le Peintre s’eſt propoſé d’imiter ; mais que tous enſemble faſſent une agréable union, & une harmonie ſéduiſante.

Dans le coloris, comme dans les proportions, le Peintre doit toujours faire choix de ce que la nature offre de plus beau & de plus parfait ; mais il faut auſſi faire attention que ce beau n’eſt pas le même dans tous les âges & dans les deux ſexes. Le teint d’un jeune-homme ne conviendroit pas au vieillard même le plus frais ; comme le tendre, le délicat & le vermeil d’une jeune fille, ne va pas à une vieille de ſoixante & dix ans, quelque vigueur & quelque ſanté qu’on lui ſuppoſe. Tout frappe dans un tableau ; le coloris même a ſon expreſſion : car celui d’un homme en ſanté, exprimeroit mal l’état d’un homme malade.

Mais un Peintre s’efforcera en vain de donner à chaque objet le coloris caractériſtique qui lui convient, s’il ne fait une étude particuliere, pour acquerir une parfaite connoiſſance de