Aller au contenu

Page:Pernety - Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, 1757.djvu/206

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
72
COCO

s’affoiblir dans l’éloignement ; l’air intermédiaire qui nous paroît bleu ou gris, en étant la cauſe, la couleur des objets artificiels doit en participer, ſuivant le plus ou le moins de leur éloignement ſuppoſé : de-là la diminution qu’on eſt obligé de donner à la vivacité de certaines couleurs, & l’exagération qui ſupplée à ce qui manque à quelques-unes, pour produire l’effet deſiré.

Celui qui ſe propoſe d’imiter les couleurs des objets naturels, doit auſſi varier ſon coloris, ſelon le ſujet, ſelon l’heure de la journée, le moment de l’action, & ſuivant le lieu où ſe paſſe la ſcene ; car tout le ton du tableau doit être d’accord avec l’action ; gai, ſi c’eſt un ſujet de joie ; ſombre & brun, s’il eſt triſte, grave ou terrible.

Quoiqu’on puiſſe dire en général, qu’un Peintre eſt maître de ſon jour, & qu’il eſt comme un Muſicien qui joue ſeul, & qui donne à ſon inſtrument le ton qu’il lui plaît ; il n’en eſt pas moins vrai que le Peintre, & particulierement le Payſagiſte, doit s’en tenir à certaines régles indépendantes de ſon caprice. Les différens momens de la journée, le matin, le midi & le ſoir, le tems pluvieux ou ſerein, ne préſentent pas les couleurs des objets réels au même dégré de vivacité & d’éclat : plus le jour eſt ſerein, plus les couleurs doivent être nettes & brillantes. Le tems pluvieux & couvert ſemble en ternir l’éclat ; elles paroiſſent s’obſcurcir avec lui : à meſure que la nuit gagne ſur le jour, tout dans la nature ſemble ſe livrer au noir de la triſteſſe, comme ſi les objets même inanimés regrettoient la lumiere du Soleil qui échappe, leurs couleurs s’évanouiſſent avec lui, & la joie ſeule de ſon retour les ramene. Plus il avance ſur l’horizon, plus l’éclat de ces couleurs augmente. Mais il faut néanmoins toujours faire attention qu’une ſalle, un veſtibule, demandent pour les objets qu’ils renferment, un coloris proportionné à la lumiere dont on ſuppoſe vraiſemblablement qu’ils y peuvent être éclairés, & ne pas leur donner autant de force & d’éclat, que s’ils étoient repréſentés en raſe campagne ou ſur un perron.

Quand on dit que tout le ton d’un tableau doit être