Aller au contenu

Page:Pernety - Dictionnaire portatif de peinture, sculpture et gravure, 1757.djvu/221

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
87
COCO

ſance de la Peinture conſiſte à être en état de juger ſi une peinture eſt bonne ou mauvaiſe, à faire la diſtinction de ce qui eſt excellent d’avec ce qui n’eſt que médiocre, & de ſçavoir rendre raiſon du jugement qu’on aura porté.

La connoiſſance des manieres eſt un autre article ; elle conſiſte à juger un tableau par lui-même, c’eſt-à-dire par la touche, le deſſein, l’ordonnance, le coloris. Bien des gens paſſent pour connoiſſeurs, le coloris. Bien des gens paſſent pour connoiſſeurs, parce qu’ils ſont hardis à donner des noms, ce qu’on appelle, baptiſer des tableaux ; mais dans la vérité ce baptême ſe réduit ſouvent à deviner des noms de Peintre.

On connoît l’auteur d’un tableau par ſa maniere. Voy. Maniere ; comme on connoît l’écriture de celui dont on a reçu pluſieurs lettres, & le ſtyle d’un homme dont on a lû pluſieurs Ouvrages. Ces deux connoiſſances ont des ſources différentes : l’une eſt produite par le caractere de la main, & l’autre par l’habitude & la réflexion.

Tous les tableaux portent ces deux caracteres : celui de la main eſt l’habitude que chaque Peintre a contractée dans ſa touche, & le ton de couleur. Celui de l’eſprit eſt le génie du Peintre, qui ſe diſtingue par ſa maniere de compoſer, & le plus ſouvent par ſes airs de têtes. Il ſe connoît encore par ſon deſſein plus ou moins coulant.

La connoiſſance fondée ſeulement ſur des marques aſſez ſenſibles, n’eſt cependant pas parfaite. Un médiocre connoiſſeur peut ſe laiſſer ſurprendre à quelques touches faciles, à la force ou à la foibleſſe des couleurs, à certains airs de tête que quelques grands maîtres ont affectés. Des répétitions de draperies, des manieres de coëffer & d’habiller des figures ; enfin un je ne ſçai quoi d’extérieur qui frappe de maniere à s’y méprendre au premier coup d’œil, & peut faire regarder un tableau de l’école d’un Maître pour ſon ouvrage propre. Un éleve habile prend aiſément ſa maniere, & peut l’imiter ſervilement dans ce que nous venons de rapporter ; mais le génie ne ſe communique pas, & la connoiſſance du génie eſt réſervée aux véritables & parfaits connoiſſeurs.

En fait de beaux Arts, la connoiſſance n’eſt pas à la portée de tout le monde :