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LA PARCELLE 32

et n’avait eu que des malheurs. Elle conta ces malheurs à Mazureau et à Bernard pendant qu’ils déjeunaient. Elle s’était mariée deux fois, très mal, avec de méchants maris qui la battaient. Ses enfants étaient morts ou avaient mal tourné ; elle était servante depuis longtemps, bien qu’elle eût, en sa jeunesse, porté des robes de soie et porté chapeau. Elle avait fait vingt-cinq ou trente places, beaucoup plus de mauvaises que de bonnes.

— J’en ai tant vu ! J’en ai tant vu ! répétait-elle à chaque instant.

Elle disait cela sans soupirs ni gémissements, mais, au contraire, avec un sourire malin et glorieux.

Elle avait passé par tous les pays ; elle savait tout faire ; elle connaissait la cuisine, le blanchissage, la couture, le travail fin, le travail de force, le diable et son train.

Bernard la trouvait très drôle avec sa poitrine plate, ses petits yeux aux paupières plissées et son nez violet, étonnamment pointu.

Il lui fit recommencer l’histoire de son premier mari qui avait fini dans un ruisseau.

— Oui, mon petit gars mignon…, il était tellement saoul ! hi ! hi ! hi !… Il est tombé, la figure en bas dans un petit rivolet… Il n’a pas pu se relever… Il s’est noyé… Hi ! hi !… il s’est noyé sans se mouiller les cheveux.

— Ce n’est pas possible, voyons ! C’est qu’il aura trop bu à ce ruisseau !

— De l’eau ! Il n’en buvait jamais ! Non ! Non ! Il s’est noyé… J’ai vu ça, mon petit gars mignon… hi ! hi ! hi ! J’en ai tant vu !

Bernard regarda son grand-père.