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LA PARCELLE 32

champ des Brûlons où il n’y avait pas grand’chose à brouter, mais où tout le monde pouvait les voir.

Il arrivait à Bernard de trépigner de rage. Il se décida à agir, à agir seul, en secret.

Au dire du vétérinaire, la maladie devait se transmettre facilement par la bave, par le fumier peut-être aussi. Bernard frotta le mufle d’une bête malade avec des poignées de foin qu’il alla perdre ensuite dans le pacage des Sicot. Chaque fois qu’il avait à sortir dans la plaine, il piétinait longuement le fumier de chez lui, traînait ses socques dans le purin et il allait ensuite s’essuyer les pieds à l’herbe du voisin. Il attira même le chien de la Baillargère et prit la peine de le rouler dans une crèche gluante de bave.

Si bien qu’un beau jour, on ne vit plus les vaches de Sicot dans la plaine. Bernard courut à la ferme un bel écriteau neuf était cloué au portail de la grange. Le petit gars revint sans reprendre haleine, poussa violemment la porte de la maison.

— Il l’a ! cria-t-il, tout essoufflé.

— Ah ! fit le grand-père en se levant malgré lui.

— Oui ! J’ai vu la pancarte ! J’ai vu la pancarte !

Dans la laiterie, Francille était occupée à un travail délicat. Elle plaçait au fond d’un chaudron une douzaine de grosses limaces rouges attachées ensemble par un fil : une recette sûre, prétendait-elle, pour faire monter la crème.

Bernard fondit sur elle, lui prit les coudes et se mit à la secouer.

— Hé ! Hé ! mon joli gars ! Tu vas faire tomber mes petites bêtes et elles prendront le galop !

— Laisse tes saletés, dit-il, et ton lait pourri ! Je veux danser la gavotte.