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LA PARCELLE 32

Dans le village, ce fut un nouveau sujet de conversation.

— Mazureau fait argent de tout, disaient les uns ; c’est qu’il veut se retirer rentier.

— C’est qu’il veut faire tort à sa fille, disaient les autres.

Mazureau n’entendait pas ces bruits ; il ne voyait pas les gens sourire sur son passage. Il était ailleurs. Il n’entendait que le bruit du vent dans les haies des Brûlons, il ne voyait que les champs ensoleillés où couraient les ombres bleues des nuages. Toute son âme était accrochée là-bas, à ce monticule, où les cyprès maniérés saluaient interminablement les souffles passagers. Vivant, il était déjà mêlé à cette terre qui le recevrait bientôt, à côté de Mazureau le Riche et des grands anciens.

Quand la maison fut à peu près vide, il fallut encore une fois faire les comptes. Ce fut une heure d’orgueilleuse joie. Malgré la fièvre aphteuse, on arriverait ! La récolte était là, prête à battre. On pouvait l’évaluer à six mille francs sans se tromper beaucoup, six mille francs que l’on pourrait toucher tout de suite.

En ajoutant ces six mille francs, on n’arriverait vraisemblablement pas très loin de la somme nécessaire.

Mazureau voulut lui-même replacer les papiers dans leur cachette. Il prit la pelle, battit la terre mouvante.

Redressé, les yeux brillants, il leva les deux poings en son geste habituel.

— Nous l’achèterons !

— Je le pense bien ! répondit Bernard froidement ; mais ce sera grâce à moi.