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LA PARCELLE 32

line, je voudrais ta mère qui était douce comme toi, et je voudrais mon gars que les ennemis ont tué et je voudrais mes anciens qui ont lutté dans la misère.

Ses yeux s’abaissèrent et, pour la première fois dans sa vie d’homme, deux larmes coulèrent sur son visage.

Bernard le regardait avec ennui. Cette émotion surprenante lui semblait un mauvais présage ; à coup sûr le grand-père allait tomber en innocence.

Bernard sortit du cimetière. Trouvant, au coin de la jachère nouvellement achetée, une pierre de bornage, il l’arracha et la porta vers la route.

Le grand-père vit ce geste et son cœur s’éclaira.

— Regarde, Éveline ! c’est le rêve de mes jours qui s’étend sous ma vue. Cette pierre qui nous arrêtait, Bernard la porte librement. Il est de cœur ferme et vaillant et je puis sans crainte le laisser seul après moi… Ce n’est pas par lui que tombera le nom des Mazureau ! Il arrachera d’autres bornes, il les portera bien loin et ma part d’honneur sera petite auprès de la sienne !… Pourvu qu’il soit toujours juste ! C’est le seul tourment qui me vienne de lui.

Il prit la main d’Éveline.

— Ma fille, à cause de ta faiblesse, je t’ai peut-être parlé sans miséricorde… et mes paroles ont fait blessure parce que tu es sensible et tendre comme ta pauvre mère…

— Père, dit Éveline, vous prenez trop d’inquiétude, aujourd’hui ; le médecin vous a commandé de vivre sans émotions.

— Je suis heureux de parler, répondit-il ; il me semble que mon cœur est gonflé dans ma poi-