Page:Perochon - Nene.djvu/122

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
NÊNE.

— Dix !… dis donc quinze ?… et pas une miette de pain !

Depuis quatre heures qu’il mangeait, plus de cent étaient venus s’asseoir autour de lui, histoire de prendre une queue d’ablette et de lui offrir le reste de la platée.

Ils demeuraient encore une vingtaine, des jeunes valets et des bourgadins qui avaient la gageure de le faire céder ou de le faire étouffer. Ils jetaient toutes leurs arêtes sous la table avec les siennes et cela faisait un tas sous lequel ses sabots disparaissaient.

L’aubergiste avait dit à ses cuisinières :

— Ménagez le beurre, mais poivrez !

Les gars avaient été pris à cette ruse. Ayant mis sur la table un quartaut de vin, ils le vidaient bellement, sans souci de la dépense, hauts en crête et l’œil rond, chauds du bec comme des coqs en jabotés.

Le maçon, sans avoir fait son paiement, se mit à chanter avec eux et Michel sortit, ayant hâte d’être seul pour suivre sa pensée.

Le soir venait ; la pêche était finie. Il rentra chez lui. Alors seulement il songea qu’il aurait bien dû prévenir Madeleine pour qu’elle vînt avec les enfants devant le tireur de portraits.

Ce regret, d’ailleurs, ne le travailla pas longtemps. Par la fenêtre, il jeta un regard sur les gens qui s’en allaient vers St-Ambroise ou Chantepie et il se dit :

— Après tout cela, je ne sais quand même pas de quel côté elle est partie.