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NÊNE.

— J’ai de l’ouvrage, vois-tu ; avec les petits, il n’est pas facile de s’absenter.

Cuirassier avait pris une chaise. Tout un moment il parla de ses occupations ; depuis quelque temps il n’avait pas chômé et cette semaine encore il avait bon espoir d’être employé tous les jours.

Madeleine s’arrêta de travailler ; dans sa tête une idée trottait.

— Sans doute il a de l’argent… il m’en donnerait bien, lui… Je n’aurais qu’à demander.

Et puis elle songea que ce serait mal… qu’elle n’oserait pas, elle, jeune et forte, prendre l’argent de ce pauvre frère qui avait tant de peine à gagner son pain.

— Tout de même, je lui en donnais bien déjà, moi, avant son malheur… d’ailleurs, après la Toussaint je le lui rendrais… Je pourrais tout de suite prendre chez Blancheviraine la poupée dormeuse, qui est de trois francs : c’est Lalie qui serait contente !

À songer cela, elle demeurait les mains inoccupées et ses yeux s’éclairaient. Elle n’écoutait plus son frère ; la tentation ronflait en elle comme une nuée d’orage.

Elle se décida brusquement :

— Alors, comme cela, mon grand, puisque tu travailles tous les jours, tu dois être riche à présent ?

Il eut un petit sursaut et sa pensée, à lui aussi, s’en alla par ce nouveau chemin.