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NÊNE.

la mère de l’Autre venait s’installer avec une partie de son mobilier ; et Madeleine ne serait pas là pour recevoir cette femme qui venait en conquérante.

Pour la dernière fois, elle avait déshabillé les enfants. Raidie, elle les avait déshabillés comme à l’habitude, en jouant, pour ne pas les affliger ; et elle les avait couchés tous les deux dans son lit à elle. Pour la dernière fois, elle avait livré sa tête à Jo : il lui avait froissé les oreilles, il avait défait son chignon.

Maintenant, Jo dormait, Lalie dormait ; dans la chambre aux hommes, le jeune valet ne remuait plus.

La maison était noire, mais au dehors le crépuscule n’en finissait pas.

Madeleine s’assit près de la fenêtre, ouverte encore. Sur une chaise, à côté d’elle, il y avait un petit paquet de linge ; c’était tout ce qui lui restait aux Moulinettes ; ses autres hardes étaient déjà parties… Michel l’avait payée le matin…

C’était fini.

Elle ne pleurait pas, elle ne bougeait pas, ses cheveux tombaient sur sa figure ; elle ne sentait ni ses bras ni ses jambes ; toute sa vie était en sa poitrine où son cœur s’acharnait.

Du jardin, les œillets de bordure envoyèrent une odeur très douce ; un chant de rossignol entra ; puis, du côté de l’étang, les rainettes commencèrent à se faire entendre et, bientôt, leurs voix innombrables furent partout.

Madeleine se forçait à murmurer :