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NÊNE.

Gédéon ? Cuirassier était ivre… Boiseriot lui faisait boire de l’eau-de-vie. Pourquoi cela ? « À dix heures, à la croisée de Bellefontaine… » Il s’agissait sans doute d’un pari, d’une chose folle dont on parlerait dans quelques jours. Pauvre frère ! Il portait mal sa peine, lui aussi ; sa tête faible chavirait. Il s’enivrait souvent ; ainsi, l’autre jour… quand était-ce donc, voyons ? il était venu avec de mauvais yeux…

— Ah ! mon Dieu !

Madeleine se dressa, puis ses jambes fléchirent et elle retomba sur sa chaise. Un souvenir, entre tous les autres, venait de se faire passage, de percer, aigu comme une lame d’acier. Elle revoyait la grande main menaçante ! « Si un homme est devant moi, priez pour lui ! » Ah ! elle comprenait maintenant !

Une minute elle fut atterrée. Sur ses lèvres, des mots vinrent qu’elle prononçait sans les entendre.

— Le mauvais loup rouge… dix heures… à Bellefontaine… C’est le chemin de Michel ! c’est le chemin de Michel !

Puis elle fut debout, elle se précipita dehors, appelant :

— Gédéon ! Gédéon !

Mais sa voix s’étranglait et n’allait pas loin. Elle traversa le jardin, courut sur la route du côté de Château-Blanc.

— Gédéon ! À l’aide, Gédéon !

Aucune réponse ne vint. Elle se tordait les bras.

— C’est ma faute ! C’est ma faute !… C’est que j’ai prié !… Damnation !